Les milles et une nuits, Institut du Monde Arabe

Publié le par la guide du rout'art

 

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Depuis longtemps en Europe nous nourrissons une fascination insatiable pour l’Orient, pour preuve encore aujourd’hui l’ouverture récente du département des Arts de l’Islam au Louvre et désormais l’exposition de l’Institut du Monde Arabe sur les Mille et unes nuits.

  Deux axes sont possibles pour la visite de l’exposition. D’abord, le visiteur peut se laisser bercer par les décors des contes, par l’image érotique de l’amour et de la narratrice Shéhérazade, on pourrait presque sentir l’odeur des épices tant l’exposition ose tout pour nous mettre dans l’ambiance. En effet, la scénographie évoque les palais, la ville, la nuit étoilée ou encore la grotte d’Aladin. Cependant, cette vocation au dépaysement se fait au détriment du contenu, avec des associations d’objets parfois sans pertinence. Les vantaux de porte, les céramique et autres objets islamiques sont certes magnifiques mais ne servent ici qu’à planter le décor et cela est bien dommage.

                Cependant, une deuxième approche dans l’exposition est beaucoup plus pertinente et passionnante, la question de l’appropriation de cet imaginaire par l’Occident et la réelle histoire de ces contes. Rappelons ici la trame de l’histoire. Un souverain sassanide Shariar (Shâhriyâr) surprend son épouse dans le lit nuptial avec un autre, il tue les deux amants et par esprit deux vengeance, il épouse chaque jour une nouvelle femme, la dépucelle et la met à mort aussitôt après. Mais un jour, il prend Shéhérazade (Shahrâzâd) pour épouse, celle-ci l’envoute en lui contant des histoires, contes et aventures, repoussant toujours son exécution. On raconte que la mille et unième nuit, enceinte, elle obtint la vie sauve et l’amour du souverain.

 Schmied   On peut dater le début de l’histoire européenne des Mille et unes nuits de 1704 lorsqu’Antoine Galland en publie une traduction française à partir d’un manuscrit syrien du XVe siècle. Cependant, on découvre dans l’exposition qu’il complète largement le récit avec notamment les histoires de Simbad le marin et d’Aladin et la lampe magique. Ainsi, ce texte millénaire aux sources indo-persanes a constamment évolué, d’abord par tradition orale puis en Europe à partir du XVIIIe siècle. L’engouement fut alors tel, à la recherche de manuscrits arabes pour trouver de nouveaux contes, que l’on créa même de faux manuscrits !

                C’est cette histoire que les arts visuels se sont appropriés pour exalter tous les imaginaires, des peintres orientalistes du XIXe siècle comme Gérôme (cf article Gérôme vs Monet) à Fernandel dans le célèbre film Ali Baba et les quarante voleurs, sans oublier les films de Disney non présents dans l’exposition. Ainsi, les mille et unes nuits sont un exemple parfait de cette appropriation européenne de l’Orient, tel qu’elle peut le fantasmer. Ici, autant que possible sans jugement, hélas l’exposition tombe dans nos vieux clichés, on découvre un pan passionnant de l’Histoire des arts, comment appréhende-t-on une culture différente par le biais des arts visuels : théâtre, danse, peinture, publicité, cinéma. Des objets magnifiques et méconnus sont présentés comme cette édition illustré par Schmied, celle par Kees van Dongen, le film de Georges Méliès ou encore le magnifique dessin animé de Lotte Reiniger.

                Enfin, la comparaison avec des illustrations indiennes ou arabes reste très pertinente. Cette exposition s’est malheureusement laissée aller à une certaine facilité, sans doute dans le but d’attirer le public. Cependant, le choix des œuvres directement liées au conte (et pas illustrant le monde islamique !) semble logique et reste réellement passionnant.

 

Publié dans Expositions

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L
Si vous avez été voir l'exposition "les Mille et une Nuits", je vous invite à remplir ce questionnaire que j'ai réalisé dans le cadre de mon mémoire.<br /> Merci<br /> https://docs.google.com/forms/d/1UIA_FqmWuP6iDiC1LPhrs1I6x0qQ21OpOLCwlkhHjBA/viewform
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G
Je suis bien d'accord avec toi sur ces deux approches que tu décris très bien. J'ai pour ma part spécialement apprécié de pouvoir lire des extraits de contes, tous fourmillants de détails et<br /> conduisant à une évasion certaine.<br /> Très bel article !
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